En 2025, Stardom a le vent en poupe. Une année particulièrement faste pour la compagnie japonaise qui la voit toucher un public nouveau tout en maintenant un standard de qualité extraordinairement élevé en dépit de multiples départs. C’est devant plus de 2 500 spectateurs d’un Yoyogi National Stadium Gymnasium #2 affichant complet qu’elle présente la deuxième édition de l’événement majeur de son début d’été, The Conversion. Un show à guichets fermés que le rematch le plus attendu du catch féminin entre Sareee et la championne IWGP, Syuri, rend absolument immanquable.
Futur of Stardom Championship
Hina (c) bat Rian (12 minutes)
Si elles portent la jeunesse sur leurs visages, Hina et Rian ne font aujourd’hui pas leur âge. Du haut de leur 19 et 20 ans, elles font preuve d’une détermination et d’une ardeur débordante qui font démarrer le show sous les meilleurs hospices. Leur passion est palpable et leur combativité engage immédiatement les émotions de la foule. Hina progresse à chaque apparition, cerne davantage qui elle est, et gère ici le début de match en patronne. Elle donne du corps à son personnage en ajoutant du vice à sa période de domination. Une attitude nouvelle, proche de l’arrogance, qui lui sert autant qu’elle sert une Rian qui livre ici la meilleure prestation de sa jeune carrière. Face à la confiance et la facilité de son adversaire, elle propose une performance de babyface prometteuse, pleine d’entrain et de vie. Immensément expressive, elle use d’une énergie d’underdog communicative qui parvient à transporter la foule en dépit de son inexpérience.
La condescendance de la championne va lui procurer quelques frayeurs au cours d’une séquence finale bien plus compétitive qu’elle l’aurait espéré. Rian ne lâche rien et s’illustre notamment par son aptitude à résister, à tenter de se débattre lorsqu’elle est embarquée dans une prise. Elle s’accroche sans cesse. Tout devient une lutte. Un détail crucial qui ajoute grandement à la crédibilité et à l’imprévisibilité de ce que l’on contemple. Dans les dernières secondes, Tokyo chante son nom et la suffisance d’Hina a disparu. Illustration parfaite d’un combat de très bonne qualité qui aura raconté énormément en peu de temps, en plus d’avoir conquis la foule.
Comsic Angels (Yuna Muzimori, Aya Sakura & Sayaka Kurara) battent Kykyo Furuzawa, Momo Kohgo & Ema Maishima (8 minutes)
Une belle introduction High Speed entre Muzimori et Maishima lance les hostilités et dévoile une volonté d’utiliser cette plateforme pour présenter les rookies comme capables de tenir le rythme face aux Cosmic Angels. Si elles font jeu égal en matière de vitesse et d’explosivité, elles souffrent lors des phases de striking menées par Aya Sakura et Sayaka Kurara. Celles-ci orchestrent un combat à la structure extrêmement simple, n’ayant aucune autre vocation que d’introduire au plus grand nombre des débutantes pleines de promesses. Quand Furuzawa se distingue par son look, sa prestance et la fluidité de ses transitions au sol, Maishima brille davantage par son agilité et un style plus aérien. Deux profils de plus à suivre dans une promotion qui compte un nombre incalculable de talents de moins de 25 ans.
H.A.T.E. (Natsuko Tora & Ruaka) battent FWC (Hazuki & Koguma) (9 minutes)
Les heels attaquent avant la cloche et débutent le combat en position de force. Une domination appuyée qui met en exergue leur domination physique mais ne va laisser que très peu de place à Hazuki et Koguma pour créer de réels espoirs. Les hope spots sont brefs, les comebacks coupés court, et l’on comprend rapidement que l’intention n’est pas de laisser scintiller FWC mais plutôt d’utiliser leur popularité pour faire passer un message fort. Si la montée en puissance d’un duo heel conquérant est pertinent dans une division tag dominée par wing★gori, il est dommage et préjudiciable sur le long terme que sa construction se fasse au dépend de l’une des meilleures équipes du catch actuel. Une victoire tranquille, qui en dit long sur les trajectoires opposées des deux équipes.
Risa Sera bat HANAKO (15 minutes)
Un match à la durée étonnante qui n’aura malheureusement bénéficié à aucune des deux catcheuses. Risa Sera, bien que dans de meilleures dispositions que l’an dernier, est loin de son niveau d’antan et HANAKO est en difficulté sur la longueur, manquant cruellement de charisme pour conserver l’intérêt de la foule au fil des minutes qui passent. C’est frustrant de voir une athlète de ce type ne pas se servir de ses atouts. Elle est notablement plus imposante que tout le roster mais ne fait jamais suffisamment jouer sa taille et sa carrure. Elle catche la majeure partie du temps comme si elle ne faisait pas 1m81. Ce n’est pas un hasard si sa meilleure prestation était face à une Starlight Kid extrêmement généreuse, qui n’hésitait pas à bumper aux quatre coins du ring afin de la faire passer pour un monstre. Un monstre dont elle n’arrive pas à dessiner les traits seule.
Après plus d’une heure, le show commence à souffrir. Une souffrance qu’accentue Maika, sur la touche depuis deux mois et présente aujourd’hui aux commentaires, dont la tonalité enjouée et rieuse dessert une action qui se veut dramatique.
H.A.T.E. (Saya Kamitani, Momo Watanabe, KONAMI & Rina) battent God’s Eye (Kiyoka Kotatsu, Lady C, Ranna Yagami & Ami Sohrei) (16 minutes)
Le grand retour d’Ami Sohrei après une année blanche des suites d’une grave blessure au genou. Une blessure qui avait relancé le débat concernant la cadence infernale du calendrier Stardom et ses répercussions. Pour son retour, celle qui était perçue comme unes des futures locomotives de la compagnie se voit coller une cible dans le dos par la faction la plus détestée du moment. Konami renifle l’odeur du sang et s’acharne immédiatement sur son genou. Sans conséquence. Et c’est bien là tout le souci de cette proposition. Le travail des heels est continu, bien exécuté, minutieux et précis, mais l’inconsistance du selling de Sohrei rend le tout difficilement lisible et la cohésion de l’ensemble en pâti. Lorsqu’elle parvient à faire le tag, ses partenaires (notamment Ranna Yagami) recentrent le combat autour de beaux échanges de striking. Quelques minutes plus tard, Ami réintègre le ring et plus rien de ce qui a eu lieu précédemment n’a d’incidence. Toute la première partie du combat est oubliée, laissant place à une séquence déroutante durant laquelle Sohrei, surexposée, tease un heel turn avant de refuser de trahir Lady C. Pour la première fois du match, une action produit une conséquence puisqu’Ami est immédiatement victime d’une attaque à la bombe de peinture, puis vaincue par Saya Kamitani. De quoi alimenter une suite qui devra se montrer plus consistante.
Goddesses of Stardom Championship
wing★gori (Hanan & Saya Lida) (c) battent Natsupoi & Saori Anou (17 minutes)
Au fil de leurs défenses, Hanan et Saya Lida montent en puissance et s’établissent en toute discrétion comme la meilleure équipe de cette première partie d’année. Un statut que ce combat va contribuer à renforcer. Un sprint total au rythme effréné, dans lequel chaque catcheuse trouve logiquement sa place et permet à l’ensemble de se dessiner. L’action est difficile à suivre tant elle va vite, mais reste pourtant limpide et ordonnée. Une prouesse de la part des quatre catcheuses qui parviennent à ne jamais perdre le fil dans cette tornade qui semble ne jamais s’arrêter. Physiquement, la performance est incroyable. Une action déchaînée, à la précision chirurgicale, qui rappelle les plus belles heures de la Dragon Gate et ses tag entre Do Fixer et Blood Generation il y a maintenant 20 ans. De l’art en mouvement.
Ce rythme soutenu ne laisse fatalement que très peu de temps pour installer les enjeux et les conséquences physiques sur les participantes. Les temps alloués au selling sont courts et le résultat de ce florilège de moves peine à se rendre visible sur les corps. Mais la formule plaît. Indéniablement. Elle semble même judicieuse pour remettre le show sur de bons rails et réveiller la foule. Celle-ci atteint l’extase au cours de l’ultime séquence qui parvient à nous faire perdre la tête. Les double teams se succèdent, les nearfalls sont nombreux, crédibles et participent à une montée en tension passionnante. Un match aussi impressionnant qu’unique, parmi les meilleurs combats par équipes de l’année. Une formule risquée, qui fonctionne grâce à une alchimie rare et une quantité de talent inouïe présente sur le ring. Peu de femmes sont capables de proposer un combat comme celui-ci. La barre est posée pour la suite.
NO DQ
Mi Vida Loca (Suzu Suzuki, Akira Kurogane, Itsuki Aoki & Rina Yamashita) battent Neo Genesis (Starlight Kid, Miyu Amasaki, Mei Seira & AZM)
L’action démarre dans le ring et c’est Neo Genesis, aujourd’hui entièrement assortie, qui prend rapidement le dessus. Un shine qui met en avant la synchronicité de la faction, rapidement interrompu par la folie de Rina Yamashita qui va se charger de rappeler à la foule qu’il n’y a aucune disqualification dans ce combat. Suzu Suzuki se délecte de la destruction de ses anciennes coéquipières, notamment celle de Starlight Kid, toujours aussi fabuleuse pour vendre le désespoir. Malgré son masque, on ressent tout ce qui la concerne. Une résilience mise en avant par un langage corporel d’exception.
Le combat est un récit classique de vitesse contre puissance mais traîne en longueur et tarde à mettre en place sa conclusion. La stipulation n’est finalement que très peu utilisée et l’on comprendra plus tard qu’elle n’était simplement présente que pour permettre les débuts de celle que l’on n’attendait pas. Une silhouette gigantesque, encapuchée, vient s’en prendre à AZM, puis à l’intégralité de Neo Genesis, avec une facilité déconcertante. Sa stature incomparable agit déjà comme un début de spoiler. Cela ne fait aucun doute, Bozilla arrive dans l’univers Stardom. Une surprise majeure. Après un an passé du côté de Marigold, la fille de Ulf Herman, dont le chemin vers la WWE semblait tout tracé, prend un malin plaisir à rabattre les cartes. La foule exulte lorsqu’elle dévoile son visage dans un moment révélateur de son immense popularité auprès d’un public japonais éternellement friand des figures de géants. Après le départ de Megan Bayne, elle devient la nouvelle montagne à gravir de la compagnie et rejoint Suzu Suzuki et sa bande. Une entrée en matière colossale et un ajout de poids pour la promotion de Taro Okada.
Mais, de manière inexplicable, le match ne se termine pas là-dessus et Starlight Kid résiste encore un moment aux assauts répétés de Mi Vida Loca avant de finalement s’incliner quelques minutes plus tard. À trop vouloir la protéger, la fin devient anticlimatique et perd en impact. Bozilla jette son dévolu sur la ceinture New Japan Strong de AZM et la perspective de la voir se mesurer aux petits gabarits de la Stardom est aussi réjouissante qu’intriguante.
IWGP Women’s Championship
Sareee bat Syuri (c) (32 minutes)
Le 10 mars 2025, lors de l’événement Sareee-ISM Chapter VII, les deux femmes sont allées au bout d’elles-mêmes dans un match nul d’une demie heure grandiose qui, à mi parcours, demeure le match of the year féminin. Une perle absolue que les deux compétitrices ont aujourd’hui à cœur d’égaler, voir de surpasser.
Un peu plus de trois mois après, le rematch n’en est pas simplement un. Les enjeux sont nouveaux. Car oui, Syuri a entre temps remporté le prestigieux titre IWGP en se débarrassant de celle que Sareee n’est jamais parvenue à vaincre, Mayu Iwatani. De quoi alimenter la narration à distance. Après une victoire en terres anglaises face à Alex Windsor, la leader de God’s Eye rentre au pays en championne pour l’un des plus grands challenge de sa carrière.
La tension est palpable lorsque le combat débute. Les spectateurs du Yoyogi savent. Ils s’apprêtent à vivre un moment d’histoire. Pour l’occasion, Sareee porte pour la première fois du rose sur sa tenue, clin d’œil à son alter-ego Sarray et symbole d’un échec qu’elle souhaite définitivement enterrer en remportant une ceinture synonyme d’excellence. Dès les premières secondes, les deux combattantes fascinent de par leur assurance. Les pas sont décidés. Chaque mouvement est maîtrisé. Elles sont convaincues du chemin qu’elles vont emprunter. Le regard de Sareee est emprunt de toutes ses certitudes. Un magnétisme naturel renforcé par ses choix et la relative rareté de ses apparitions. Syuri y reste insensible. Impassible. L’adversaire idéale.
Pour ce deuxième acte, elles ont le luxe de pouvoir incorporer des éléments de leur premier affrontement au récit. Des références comme autant de rappels à la bataille qu’elles ont déjà livré. Rappels mais aussi leçons, puisque ce qui fonctionnait en mars est dorénavant bien identifié. Un deuxième combat qui, naturellement, se construit autour de notions d’adaptation et de préparation, mentale et physique. Elles savent, elles anticipent, elles surenchérissent et la rencontre est aujourd’hui davantage cérébrale. Les armes de l’adversaire sont connues. Il s’agit maintenant de désarmer. De s’ajuster. Sareee, ayant grandement souffert des kicks vicieux de Syuri, se concentre immédiatement sur les jambes de sa rivale. Syuri, quant à elle, sait qu’elle a échappé de justesse à la défaite et tente de raccourcir le combat en accélérant son plan de jeu et en lançant rapidement des soumissions.
La phase d’observation n’existe pas et l’urgence est immédiate. Ce qu’elles réussissent à créer, c’est un sentiment de réalité. Les échanges de striking sont brutaux, les suplex impressionnantes, les impacts effrayants et les séquences de soumissions les voient puiser dans leurs derniers retranchements de manière extrêmement crédible. Un talent réel pour la dramaturgie. Leur détermination sans faille est suffisamment marquée et l’action suffisamment intense pour pouvoir justifier par la montée d’adrénaline, voir l’inconscience, l’absence quasi totale de selling une fois la séquence finale enclenchée. Elles ont l’air possédées et on y croit.
Le simple fait qu’il y ait cette fois-ci une gagnante change toute la donne. Le premier acte les présentait comme des égales et il y avait une forme de beauté à les voir dévastées de ne pas avoir réussi à se départager. Une fin poétique. Cette fois-ci, c’est une Sareee détruite et à bout de forces qui l’emporte. Le récit prend fin. La loi du point final. Après 32 minutes de perfection, elle met un terme à un règne beaucoup trop court pour porter une réelle signification. Le traitement de Syuri reste une frustration et laisse un goût amer dans la bouche tant elle méritait une exposition plus longue. Plus conséquente.
La déception passée, on réalise ce à quoi l’on vient d’assister. Les deux femmes volent au dessus du monde et réussissent l’exploit d’offrir à la planète catch les deux meilleurs combats de l’année. L’ordre dépendra des préférences de chacun. L’affrontement du jour profite d’une plus grande scène, d’une plus grande foule et de plus grands enjeux. Et c’est précisément pour cela que, s’il fallait choisir, le cœur pencherait pour leur combat précédent. Un cadre plus intime qui nous aura fait toucher leurs âmes. Avec ses shows Sareee-ISM, la déesse du soleil a su créer les conditions pour magnifier le style qu’elle souhaite mettre en avant. Au Shinjuku FACE, on est davantage dans la contemplation. On est transporté par les expressions, on ressent plus vivement les impacts, tout est plus brut. Plus pur. De plus, l’absence d’enjeux autres que la simple volonté d’être la meilleure conférait à leur bataille dantesque une dimension plus noble encore et rendait leurs prises de risques infiniment plus romanesques. La simple splendeur de la compétition. Gratuite.
Nouvelle championne IWGP, Sareee se présente dorénavant comme la boss de fin de sa discipline. Le catch féminin, c’est elle. Un catch féminin qu’elle promet d’emmener sur de nouvelles hauteurs. Cette promesse, elle l’a d’ailleurs tenu sur la tombe d’Antonio Inoki qu’elle a visité dès le lendemain de son sacre, comme un symbole d’une postérité que Sareee convoite et que ce combat lui permettra sûrement d’atteindre.
Après une première partie timide, The Conversion 2025 finit en trombe pour finalement rendre une copie concluante, ponctuée par un triptyque de très bonne facture et un main event historique. Intelligemment, Stardom a su construire son show de manière à ce que rien ne vienne entraver la grandeur de l’affrontement final pour la ceinture IWGP. Saya Kamitani et Starlight Kid ne défendent pas leurs titres respectifs et font volontiers un pas de côté pour laisser toute la lumière à un Sareee vs Syuri 2 à la dimension épique enchanteresse qui ne manquera pas de chambouler de nombreux classements dans la course au titre de match de l’année.
Texte : Le Dernier Rang
Crédits photo : Kevyn Mullen (@kevMullen23)