Stardom poursuit son année faste et compte bien capitaliser sur sa popularité croissante avec ce rendez-vous au Korakuen Hall. À trois jours du début du 5Star Grand Prix, le tournoi féminin le plus prestigieux de la planète catch, elle présente un show alléchant en guise d’apéritif. Diffusé gratuitement sur YouTube, il prend la forme d’un cadeau de la part d’une compagnie qui souhaite récompenser ses fans tout en affirmant sa volonté d’accroître sa visibilité à l’échelle mondiale. Une initiative appréciable qui a permis à plus de 20 000 personnes d’assister à l’événement en direct sur la plateforme.
Mi Vida Loca (Akira Kurogane, Itsuki Aoki, Rina Yamashita & Suzu Suzuki) battent E nexus V (Rian, HANAKO, Ema Maishima, Waka Tsukiyama) (13 minutes)
Si les heels de Mi Vida Loca sont capables des plus grandes barbaries, elles n’hésitent pas, lorsque nécessaire, à adopter une tonalité plus légère. C’est le cas aujourd’hui dans le cadre d’un opener au format house show, principalement axé sur les interactions avec la foule. Face à une faction ayant considérablement perdu en star power avec le départ définitif de Mina Shirakawa et la blessure de Maika, leur mission est claire : impliquer au maximum le public tout en mettant en avant les jeunes talents adverses. E Nexus V est en période de transition et se retrouve au bas de l’échelle mais utilise sa fougue pour servir le bas de carte et lui insuffler de la vie. Un rôle important. Un rôle qui lui va bien.
En l’absence de leader, Rian continue d’attirer toute la lumière. Sa montée en puissance est exponentielle et ses prestations de qualité déjà nombreuses. Du haut de ses 19 ans, elle fait preuve d’une énergie d’underdog inépuisable et développe progressivement une identité nuancée, à la fois vulnérable, persévérante, faillible et courageuse. En constante progression, elle gagne en maturité à vue d’œil. C’est elle qui va néanmoins s’incliner après avoir une fois de plus démontré sa combativité et prouvé sa résilience, continuant de construire inlassablement un lien de respect et d’empathie avec son public.
Three Way Tag Team Match
FWC (Koguma & Hazuki) battent God’s Eye (Lady C & Saki Kashima) et Yuria Hime & Momo Kohgo (7 minutes)
Le manque de reconnaissance dont fait preuve Taro Okada à l’égard de FWC est criminel. Leur chute dans les bas fonds de la compagnie sera étudiée dans les livres d’Histoire. Si la popularité des deux femmes restait jusqu’alors imperméable à l’inconsistance de leur booking, elle commence logiquement à doucement en pâtir. Malgré tout, elles continuent d’apporter une joie communicative à une division tag bien contente de pouvoir compter sur elles pour stimuler l’undercard.
Depuis son arrivée dans la faction God’s Eye, Lady C est constamment rejetée par Saki Kashima qui la déteste comme Michael Scott déteste Toby. L’ancienne membre de Queen’s Quest déborde d’amour mais Saki Kashima ne lui rend jamais. Une haine viscérale et inexpliquée qui se retrouve au cœur de cet affrontement aux allures de comedy match. Dans une compagnie au workrate extrêmement élevé, Saki Kashima se démarque par son attitude apathique et un personnage humoristique désintéressé, partisan du moindre effort et fourbe, qu’elle incarne à merveille. La paire réticente qu’elle forme avec Lady C est une source intarissable de moments délicieusement gênants. Lors d’un spot de face wash collectif, elle change d’équipe pour pouvoir s’en prendre discrètement à sa partenaire. La foule est conquise et la formule fait mouche. Les phases comiques s’enchaînent harmonieusement jusqu’à une brève séquence finale qui voit FWC l’emporter après un schoolboy de Koguma sur la rookie Yuria Hime. Maigre récompense pour une équipe que l’on sait capable de bien plus.
Neo Genesis (Starlight Kid & Miyu Amasaki) battent H.A.T.E. (Fukigen Death & Azusa Inaba) (8 minutes)
Le combat est sponsorisé par Mizkan, plus gros fabricant japonais de vinaigre de riz, idéal pour assaisonner votre riz à sushi. Visiblement très populaire, le produit est constamment mis en avant, son slogan étant repris par les protagonistes mais aussi par la foule. Starlight Kid use de son immense popularité pour en être l’effigie d’un soir et s’amuse dans ce rôle qu’elle embrasse pleinement. Une récréation avant les choses sérieuses du week-end.
Azusa Inaba, déjà détentrice de la ceinture JTO Girls de la promotion créée par Taka Michinoku, Just Tap Out, se présente en tant que nouvelle championne Queen of JTO après avoir vaincu sa grande soeur Tomoka lors du 6ème anniversaire de la compagnie le 11 juillet. Ancienne karateka et heel impertinente naturelle, la jeune strikeuse de 17 ans se distingue ici dans un environnement plus frivole qui semble l’insupporter. Car oui, à trois jours du début du 5Star GP, l’heure n’est pas à la prise de risque. Starlight Kid et les facéties de Fukigen Death portent un combat une fois de plus très court, mélange de séquences high speed, comiques et promotionnelles. Une proposition sans aucune autre ambition que de faire passer un bon moment à la foule du Korakuen.
Cosmic Angels (Natsupoi, Saori Anou, Yuna Mizumori & Sayaka Kurara) battent God’s Eye ( Ranna Yagami, Ami Sourei, Hina & Tomoka Inaba) (10 minutes)
Le rythme s’accélère, les échanges entre les différentes paires montent en intensité et l’aspect plus léger des trois premiers combats disparaît totalement. L’action est précise, rapide, et chaque protagoniste trouve le temps de briller dans une structure en crescendo.
C’est un plaisir de voir Ranna Yagami prendre doucement confiance en ses capacités. Une attitude plus affirmée qui sert son personnage. Dans ce florilège d’action ininterrompue, les paires Natsupoi/Inaba et Sourei/Anou sortent leur épingle du jeu et se voient confier les passages clés du combat. Tomoka Inaba a tout d’une star. Son approche méticuleuse mêlant striking légitime et art de la soumission est particulièrement intéressante pour le roster Stardom. Un talent à suivre lors du 5Star Grand Prix. Avec Natsupoi, elles offrent une magnifique séquence de contres et d’esquives et font vibrer le Korakuen avant d’entamer la dernière ligne droite. Le final arrive de manière assez abrupte et voit Saori Anou river les épaules d’une Ami Sourei qui livre ici sa meilleure prestation depuis son retour. Un combat agréable, dynamique et percutant, qui lance une deuxième partie de show bien plus sérieuse.
High Speed Championship – Best Two Out Of Three Falls Match
Mei Seira (c) bat Honoka (5 minutes)
Dans l’univers Stardom, une défense de la ceinture High Speed est aussi rare qu’un panier à 3pts de Kareem Abdul-Jabbar. Les nouvelles règles (time limit de 10 minutes et 2/3 falls) sont restrictives et s’avèrent être davantage une contrainte qu’un atout, mais les deux jeunes femmes s’en sortent à merveille dans ce cadre imposé. Créativité, alchimie, timing, vitesse d’exécution et séquences de contres et de pinning combinations frénétiques sont à l’honneur dans un combat qui parvient à incorporer une quantité astronomique d’idées en 5 minutes. Un effort intense et une prestation physique de premier plan saluée par le public du Korakuen Hall. Si Mei Seira est probablement la meilleure du monde dans ce style décoiffant, son adversaire, invitée de la Pro Wrestling WAVE, n’a aujourd’hui pas grand chose à lui envier. Habituée des pre-shows et des événements New Blood consacrées aux rookies, la catcheuse masquée saisit l’opportunité qui lui est présentée, montre de belles promesses et rayonne dans la défaite. Sans gagner le moindre tombé, elle remporte une victoire symbolique en réussissant l’impossible : tenir le rythme.
H.A.T.E. (Saya Kamitani, Momo Watanabe, KONAMI) battent Sareee, Chi Chi & Miku Kanae (9 minutes)
Après s’être rendues au Shinjuku FACE en territoire ennemi, les membres de H.A.T.E. retrouvent leurs terres pour un second round à la dynamique inversée. Et si le début de match est identique à celui d’il y a 10 jours, l’attaque du clan heel avant la cloche n’attire plus les hués mais bien les encouragements. Les personnages n’ont pas changé, mais les rôles oui. Les triches et tactiques douteuses trouvent pour une fois l’approbation des spectateurs vocaux du Korakuen qui font le choix de mettre de côté l’éthique pour se joindre à H.A.T.E. et défendre les couleurs de leur promotion.
Après une première séquence de bagarre générale dans les gradins, c’est Sareee qui lance les hostilités dans le ring. Une manœuvre intelligente pour donner immédiatement le ton et installer la dynamique souhaitée. Sans cesse critique de Stardom et ses enfantillages, elle est aujourd’hui la femme à abattre. La heat, condition sine qua non du bon déroulement du récit, se met en place organiquement sans que Sareee et les siennes n’aient à changer d’attitude. Car oui, contrairement à l’affrontement précédent, Sareee n’est pas venue avec sa partenaire traditionnelle, l’expérimentée Takumi Iroha, championne GHC, mais avec ses deux jeunes protégées : Chi Chi et Miku Kanae. Des proies faciles sur lesquelles H.A.T.E. va se concentrer tout le long du combat pour faire passer un message à leur mentor.
D’un point de vue narratif, la réussite est totale. Le récit est sans faille et le public embarque volontiers, créant une atmosphère atypique à la gravité certaine. La déesse du Soleil redouble d’efforts pour maintenir en vie son équipe mais Chi Chi et Miku Kanae ne font pas le poids face à l’expérience et le vice de leurs adversaires. Konami est redoutable dans ce rôle de vétérane sadique et Momo Watanabe est accueillie comme une véritable star dès qu’elle entre en action. Ses échanges avec Sareee créent l’ébullition au sein du bâtiment et agissent comme une bande-annonce ô combien excitante pour leur rendez-vous lors du 5Star GP.
Après 10 minutes riches en avancées, le tout sans la moindre entrée officielle de Saya Kamitani dans le ring, Konami finit de torturer Miku Kanae et la soumet pour la victoire dans un combat qui installe bien mieux les enjeux émotionnels de la rivalité Sareee vs H.A.T.E. que le tag match de Sareee-ISM. Les pions sont désormais en places, la feud est réellement lancée et l’affrontement éventuel entre Sareee et Saya Kamitani, cette fois-ci davantage teasé, promet d’être immanquable. Les deux plus grandes stars du joshi actuel.
NJPW Strong Women’s Championship
AZM (c) bat Bozilla (15 minutes)
Introduite à une audience globale lors du show inaugural de Marigold en 2024, Bozilla a instantanément marqué les esprits. Sa stature hors du commun (1m81 pour 93kg) fait d’elle une figure adulée par un public japonais traditionnellement friand de personnages plus grands que nature. Des colosses, idéaux pour souligner le fighting spirit et les valeurs de combativité de celles et ceux qui leur tiennent tête. Pour sa première sortie solo dans son nouvel environnement, la jeune allemande plante le décor d’entrée. Une musique menaçante et brutale, un pas assuré, un regard dédaigneux et un masque dégageant de la fumée, inspiré par celui de Vader. Le message, s’il fallait le rappeler, est clair : Bozilla est un monstre. AZM le sait et se présente au pied d’une montagne qui semble infranchissable pour défendre son titre NJPW Strong, remporté en mai dernier face à Mercedes Moné et Mina Shirakawa.
Lorsque les deux femmes se font face, la différence de taille impressionne. L’image est saisissante. Dès la séquence d’ouverture, le cadre est posé. Les coups de la championne n’ont aucun effet sur la géante au sourire narquois. Débute alors une domination totale, intelligemment menée et rendue crédible par un selling époustouflant d’AZM. Les bumps qu’elle prend sont effrayants, la souffrance se lit sur son visage et ses expressions faciales installent rapidement un climat de terreur. Bozilla a l’air invincible et parvient constamment à repousser les attaques d’AZM grâce à sa puissance. Souveraine, arrogante, confiante. Intouchable. Ou presque. Car son adversaire ne baisse pas les bras et trouve constamment le moment opportun pour amorcer une tentative de retour en s’accrochant à un bras ou en plaçant une soumission désespérée. Non contente d’utiliser sa vitesse et sa petite taille pour contourner son adversaire, elle étonne en n’hésitant pas à la défier sur son terrain lors d’échanges de strikes. Une démarche culottée qui appuie son caractère.
Le récit, inspiré d’une structure basique à la David contre Goliath, est attendu mais diablement efficace. Le talent des deux femmes s’occupe du reste et rend le combat magique. Bozilla est divine en heel imposante montrant suffisamment de failles pour permettre à l’exploit d’être envisagé. Elle vend de manière juste et se montre particulièrement généreuse avec la championne sans compromettre ou heurter son aura. Un altruisme qui démontre son intelligence et sa volonté de servir la narration. Une narration portée par une AZM en état de grâce, excellente dans le rôle de l’underdog faisant feu de tout bois, qui livre ici une performance monumentale, pas loin d’être sa meilleure tant elle est réfléchie et maîtrisée.
Un affrontement épique aux allures de mythe qui fait chavirer le Korakuen Hall lors d’un dernier acte endiablé, rythmé par des nearfalls toutes plus plausibles les unes que les autres qui s’enchaînent dans un mouvement fluide et constant. De l’art. AZM réussit l’impossible en redoublant d’ingéniosité pour piéger définitivement sa challenger. Après un travail de longue haleine sur le bras de l’allemande, elle récolte les fruits de son travail minutieux dans un finish soigneusement introduit, pensé, préparé, et extraordinairement bien amené, remportant ainsi un combat fabuleux qui s’érige sans souci en modèle du genre. Une pépite absolue.
Goddesses of Stardom Championship
H.A.T.E. (Natsuko Tora & Ruaka) battent wing★gori (Hanan & Saya Lida) (c) (17 minutes)
Fin de l’aventure pour wing★gori dans un main event solide qui s’efforce de maintenir le niveau de qualité instauré par les deux performances précédentes, sans jamais réellement y parvenir. S’il reste de bonne facture, le combat se place un cran en dessous des autres défenses de titre des championnes. La faute sans doute à une équipe challenger trop limitée techniquement pour pouvoir proposer davantage. Connues sous le nom de BMI2000, Ruaka et Natsuko Tora ne sont pas des machines à 5 stars mais restent suffisamment imposantes pour incarner une option à la fois cohérente et logique pour détrôner l’équipe babyface de l’année. Elles offrent à H.A.T.E. deux ceintures de plus pour asseoir encore davantage leur règne de terreur au sein de la compagnie.
Leur domination, bien que très scolaire, fait le travail et parvient à impliquer un public qui, en l’absence de Sareee, les déteste à nouveau. Ruaka peine malgré tout à être crédible sur certaines séquences et souffre de nombreuses lacunes, notamment en termes de charisme et d’entrain. Un manque de présence dont pâtit son équipe qui repose essentiellement sur des triches, interventions et autres artifices pour obtenir de la heat. Les championnes résistent, travaillent astucieusement en duo, s’efforcent de combler les vides laissés par leurs adversaires et jouent tour à tour une partition de babyface dynamique et galvanisante. Hanan et Saya Lida survolent totalement un affrontement qu’elles portent à bout de bras grâce à leur selling et leur énergie.
La séquence finale met en avant la rivalité de longue date entre Hanan et Ruaka et choisit d’offrir à cette dernière un moment précieux, celui de mettre fin au règne de wing★gori. Saya Lida, impressionnante, sort immensément grandie de ce run et Hanan, destinée à un push solo majeur, semble prête pour celui-ci. L’une des grandes favorites du 5Star Grand prix de cette année.
Avec cet événement disponible à la vue de toutes et tous, Stardom propose une fois de plus un show agréable, varié et divertissant, proche de la qualité d’un PPV, qui ne manquera pas de convaincre fans de la première heure et nouvelles·aux venu·e·s. Un événement rendu immanquable par un AZM vs Bozilla dantesque dont on se souviendra longtemps. Une ode à la simplicité racontée avec brio. Place maintenant au 5Star Grand Prix. Face à la concurrence nouvelle du Dream Star Grand Prix de Marigold, Stardom a une suprématie à défendre. Orpheline de nombreuses stars, elle se retrouve dans l’obligation de donner la part belle à la jeunesse à défaut de présenter un plateau aussi prestigieux que celui des précédentes itérations du tournoi. Une jeunesse dorée, prête à franchir le cap, que l’on a hâte de voir grandir sous nos yeux.
Texte : Le Dernier Rang
Crédits photo : Kevyn Mullen (@kevMullen23)