En 2023, trente ans après le mythique All-Star Dream Slam de la défunte AJW, se tenait le premier All-Star Grand Queendom. Un événement ambitieux qui voyait Tam Nakano remporter pour la première fois le titre suprême de la Stardom, la prestigieuse Red Belt. Pour cette troisième édition, elle met sa carrière en jeu face à sa meilleure ennemie, Saya Kamitani, dans une soirée aux allures de tournant. La fin d’une ère. Le début d’une nouvelle. Une carte majestueuse en guise de démonstration de force pour une compagnie en pleine mutation.
C’est devant 7503 personnes, soit le plus grand public payant de son histoire, que la Stardom propose le millésime 2025 de son All-Star Grand Queendom, en direct de la Yokohama Arena. La promotion de Taro Okada, en quête de grandeur et de visibilité mondiale, y montre ses muscles comme pour signifier tout le chemin parcouru depuis sa création en 2011. Prouver sa capacité à maintenir le cap face à des perturbations aussi nombreuses que récurrentes qui ont participé à dicter le rythme de son histoire. Une énième année pivot qui marque non seulement la clôture d’un chapitre pour la structure mais aussi pour le joshi dans son ensemble avec les départs en retraite des immenses Nanae Takahashi, co-fondatrice de la Stardom, et Meiko Satomura.
Futur of Stardom Championship
Hina (c) bat Ranna Yagami (12 minutes)
Comme un symbole d’un regard constamment tourné vers l’avenir, c’est le combat pour le titre Futur of Stardom qui ouvre le bal. Deuxième défense victorieuse pour Hina dans un opener de qualité, rythmé et efficace qui a su progressivement mettre en action la foule tout en offrant une plateforme à deux (très) jeunes talents pour montrer l’étendue de leurs progrès. Ranna Yagami s’est chargée de la courte heat dans cette confrontation interne de la faction God’s Eye. Son striking, ses transitions et ses fondamentaux au sol sont convaincants et permettent d’envisager un avenir intéressant. Hina est, à ce stade de sa carrière, un cran en dessous de son adversaire et ne joue pas dans la même cour que sa grande sœur Hanan et sa jumelle Rina, toutes deux précédentes détentrices de la ceinture qu’elle porte à son tour autour de la taille. La séquence finale a atteint un jolie hauteur avec des nearfalls crédibles à répétition et un public particulièrement impliqué. Mission accomplie.
Sayaka Kurara bat Thekla (12 minutes)
Sayaka Kurara a bénéficié d’une forte exposition récente en remportant le Cinderella tournament et en occupant une place majeure dans le dernier arc de la carrière de Tam Nakano. Thekla maîtrise à merveille son esthétique et la façon dont elle se présente mais a énormément déçu depuis le début de la storyline pourtant prometteuse qui la présentait comme une « Idol Killer », cherchant à dénoncer la fascination des hommes japonais pour les femmes kawaii, hypersexualisées et dépeintes comme fragiles et dociles. Un angle d’attaque social qui aurait pu être particulièrement pertinent si elle ne s’était pas perdue dans son récit avant de se perdre dans la masse de son propre clan, H.A.T.E. Elle a également pêché par son interprétation par moments trop surjouée. Un échec global qui prend fin lors de ce combat très studieux, sans réelle profondeur. Après avoir refusé de rejoindre le clan Cosmic Angels comme l’indiquait la stipulation en cas de défaite, Thekla va s’en prendre physiquement à Taro Okada, le président de la Stardom, et se faire licencier en conséquence. C’est la larme à l’œil qu’elle se dirige vers de nouveaux horizons. Malgré une année ratée, ses capacités athlétiques, son esprit créatif et sa sensibilité artistique (Thekla est musicienne, ancienne ballerine, dessine, expose, parle cinq langues, crée elle-même ses tenues) lui permettront d’être utile au sein de la sphère AEW. Un cadre qui lui conviendra davantage.
Yumiko Hotta bat Rina (10 minutes)
Rina est spéciale. Un talent d’exception à bien des niveaux. Elle a crevé l’écran lors de son affrontement épique avec Starlight Kid en février à Path of Thunder. Le match de l’année de la compagnie à ce jour. Depuis, elle continue sur sa lancée en enchaînant les performances remarquables. Du haut de ses 18 ans, elle impressionne par sa prestance, sa justesse, son énergie et sa capacité à engager la foule. Ici face à l’illustre Yumiko Hotta, catcheuse freelance et ancienne combattante MMA, connue pour sa rudesse, Rina a l’opportunité de mettre en avant sa résilience et son fighting spirit. Hotta, de 40 ans son aînée, la brutalise et fait ressortir ses qualités de selling. Rina résiste jusqu’au bout mais se voit contrainte d’abandonner dans un Kata-Ha-Jime. Si l’on est loin du fabuleux Senka Akatsuki vs. Aja Kong de Marvelous Las Vegas qui utilisait le même schéma de narration une semaine plus tôt, le résultat reste satisfaisant. Une histoire simple, vieille comme le monde, mais qui fonctionne toujours autant.
Meiko Satomura, Mika Iwata & Yuna (Sendai Girls) battent Cosmic Angels (Saori Anou, Natsupoi & Aya Sakura) (13 minutes)
Après une dernière année de carrière déjà entrée dans l’Histoire du joshi, Meiko Satomura foule une ultime fois un tapis de ring Stardom. Elle en a été la championne durant 150 jours en 2015, détrônant Kairi Ojo avant de perdre son titre face à Io Shirai. Malgré le peu de temps passé au sein de la structure, elle y a laissé une trace indélébile, comme partout où elle a mis les pieds. Saori Anou, qu’elle a affronté en novembre, refuse de lui serrer la main.

Bon combat sans autre prétention que de proposer une formule classique permettant à chacune des protagonistes de briller. Iwata est mise en avant dans la première partie du match, puis l’énergie change lorsque Meiko entre dans la danse. À deux jours de sa retraite officielle, elle évolue encore à un niveau extraordinaire. Un dernier tour de piste au sommet de son art. La Yokohama Arena savoure ses strikes brutales avant que la séquence finale, centrée sur sa relation avec Aya Sakura, la championne junior de Sendai Girls, ne s’enclenche. La jeune femme lui tient tête, montre une passion communicative et prend même le dessus un temps, avant de finalement céder. Meiko Satomura dit au revoir, pleine de grâce, en partageant la lumière avec celle qui en bénéficiera le plus. Une démonstration supplémentaire de sa classe infinie qui n’aura eu d’égale que son impact sur sa discipline. Une des plus grandes de tous les temps.
No DQ match
Suzu Suzuki bat Mei Seira (16 minutes)
Première apparition de Suzu Suzuki depuis son heel turn et la création de son nouveau clan, Mi Vida Loca. Jamais elle n’est parue à sa place au sein de sa faction précédente, Neo Genesis, trop édulcorée et, par conséquent, en décalage avec son identité profonde. Elle affronte Mei Seira, son ancienne coéquipière au sein de l’équipe Crazy Star, et semble revivre en embrassant à nouveau ses racines hardcore.

L’ajout de la stipulation a totalement transformé le match, le faisant passer d’une affiche prometteuse à un règlement de comptes intense et vicieux. Une guerre totale. Suzu excelle dans ce contexte, laisse totalement s’exprimer sa folie et doit impérativement s’établir rapidement comme la seconde top heel de la compagnie. Sa performance de haut vol permet à Mei Seira de démontrer toute sa résilience dans un rôle d’underdog qu’elle incarne parfaitement. Selling, passion, expression de souffrance, désespoir, tout y est. Un character work prodigieux servant un récit basé sur des émotions brutes qui n’a pas eu besoin d’une forte utilisation d’armes pour illustrer son propos. Les armes, c’était elles. Une bataille sanglante, hargneuse et brutale entre deux immenses talents qui ont fait preuve de l’ingéniosité nécessaire pour y intégrer quelques séquences high speed bien pensées. Le premier grand combat de la soirée. À voir absolument.
Sendai Girls World Championship
Chihiro Hashimoto (c) bat Maika (15 minutes)
Un changement de rythme appréciable mais dangereux. Malgré le nettoyage du ring pendant de longues minutes, passer après une telle performance est difficile. Si la structure du combat est cohérente, elle n’a pas été suffisamment réfléchie pour conserver l’intérêt d’une foule fatiguée durant sa première partie. Les efforts sont réels, Chihiro Hashimoto suscitant malgré tout des réactions de par les démonstrations de puissance extraordinaires dont elle fait preuve. Une véritable montagne qui sert chacune de ses adversaires tant elle est dominante. Soulever ou faire tomber Hashimoto produit de l’effet, quoiqu’il arrive. Un talent à part dans le monde du joshi. Maika parvient à se mettre au niveau dans un bon combat de poids lourds, physique et exigeant, qui aurait gagné à démarrer plus fort, dans un format plus court.
Goddesses of Stardom Championship
wing★gori (Hanan & Saya Lida) (c) battent FWC (Hazuki & Koguma) (14 minutes)
La faction Stars est loin de ses heures de gloire et ces quatre jeunes femmes comptent bien la remettre sur le devant de la scène avec ce combat. Quatre talents complémentaires. Koguma déborde d’énergie et nous la transmet, Saya Lida s’illustre avec un Muscle Buster sur l’apron, les backdrop driver de Hanan sont toujours aussi impressionnants et Hazuki continue de faire preuve d’une constance épatante. Une proposition parfaitement construite, propre dans son exécution et bien séquencée qui a mis en avant les moitiés les moins établies de chaque équipe durant le corps du match, avant de passer la seconde et bien plus encore lors d’une séquence particulièrement intense, physique et stiff entre Hanan et une Hazuki possédée. Étonnant de constater que la Stardom tarde à miser sur elle, notamment après la notoriété qu’elle a pu acquérir lors de ses deux confrontations internationales avec Mercedes Moné sous la bannière New Japan Strong. Mention spéciale pour le finish soudain qui a renforcé l’aspect imprévisible de l’affrontement. Du très bon catch par équipes.
IWGP Women’s Championship
Syuri bat Mayu Iwatani (c) (22 minutes)
La présence de Mayu Iwatani à la Stardom ne tenait plus qu’à un fil : sa ceinture IWGP féminine. Lorsque qu’elle la présente à l’arbitre, elle y jette un regard plus long qu’à l’accoutumée. Une émotion particulière qu’on devine dans ses yeux. Un émotion qui s’apparente à une fin. Elle retrouve Syuri sur la plus grande scène possible après un classique trop souvent oublié en janvier 2024 lors du Ittenyon Stardom Gate. Si elles n’ont pas atteint le niveau extraordinaire de leur précédent affrontement, elles côtoient malgré tout les sommets et offrent une fois de plus une démonstration de cœur et de vie. Des sentiments réels, vifs, débordants. Un tourbillon d’émotions que seul le joshi peut procurer. Sous le regard attentif de Sareee, Syuri, en sanglots, met fin au règne de Mayu Iwatani après 735 jours et 9 défenses de hauts rangs, rejoignant une lignée prestigieuse composée de Kairi et Mercedes Moné. L’élite. Et elle y trouve toute sa place. Une récompense pour cette femme de l’ombre qui mérite plus que tout l’exposition internationale que va lui apporter cette ceinture. La leader de God’s eye prend, comme à son habitude, un malin plaisir à nous rappeler qu’elle fait partie des meilleures dès que l’opportunité lui est donnée.
Pour sa dernière avant de retrouver Rossy Ogawa et Marigold, Mayu Iwatani livre une performance à son image : viscérale, épique, portée par ses excellentes expressions faciales face au striking toujours plus violent de son adversaire. Elle s’incline et quitte une compagnie dont elle était la dernière pionnière. 14 ans après avoir combattu lors du show inaugural devant 466 personnes, elle tire sa révérence au centre de la mythique Yokohama Arena et laisse derrière elle une structure dont elle fut à la fois pilier et moteur. Elle aura tout vécu. Tout traversé. Tout gagné. Chaque titre. Chaque tournoi. Le vide qu’elle laissera ne sera jamais comblé. Mayu Iwatani restera la personnification de la Stardom. Sa seule icône.



Après le match, Sareee monte dans le ring et challenge Syuri pour la ceinture IWGP. Son statut freelance ajoute une dose d’incertitude à cette affiche de prestige, rematch de leur time limit draw de 30 minutes lors de l’événement Sareee-ISM chapter VII. Le meilleur match féminin de l’année 2025, toutes promotions confondues. Le monde du catch se tient prêt.
Wonder of Stardom Championship
Starlight Kid (c) bat AZM (20 minutes)
Après de multiples affrontements high speed qui ont contribué à faire d’elles deux des plus grands espoirs de la discipline, elles débutent ici avec une épreuve de force, comme pour laisser symboliquement derrière elles une époque révolue. Place à la scène main event, son style et ses exigences nouvelles. En se focalisant sur l’épaule endolorie de Starlight Kid, AZM endosse volontiers le rôle de heel. La consistance de son selling laissant parfois à désirer, elle gagnerait à l’explorer davantage. Starlight Kid, elle, est la babyface ultime et le futur visage de la compagnie. Autre point à améliorer pour AZM : le caractère répétitif de sa panoplie offensive. En dépit de quelques incohérences, les deux comparses livrent un combat de qualité qui paye au prix fort sa place sur la carte. Positionnées entre deux moments de légende, elles ont eu la tâche quasiment impossible. Malgré tout, c’est un bonheur de constater leur évolution et de les voir poursuivre leur apprentissage. Elles font preuve d’une alchimie sans pareil et s’établissent au fil du temps comme l’une des paires les plus sûres de la scène mondiale.


World of Stardom Championship : Career vs Career
Saya Kamitani (c) bat Tam Nakano (26 minutes)
Depuis son heel turn, Saya Kamitani se présente toute de noir vêtue mais laisse entrevoir une plume blanche dans sa chevelure. Une lumière dans les ténèbres. Ce qu’il reste de bon chez elle. Symbole d’une humanité pas totalement perdue qu’elle va retrouver dans les bras de la personne qui a fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Un lien éternel que les plus grandes violences n’auront finalement pas réussi à rompre.
Un rendez-vous attendu et solennel qui accouchera d’un des meilleurs matchs de retraite de tous les temps. Tam Nakano raccroche les bottes après un combat à la dimension émotionnelle intouchable qui aura mis en avant ses plus grandes qualités. Une maîtrise absolue de la psychologie et des rouages du storytelling, une insouciance et un don de soi couplés à un visage si expressif qu’il est impossible de ne pas ressentir ce qu’elle ressent. Un bijou de catcheuse. Après un dernier Twilight Dream porté par Saya Kamitani, l’arbitre Daichi Murayama frappe le sol une troisième fois. C’est bien fini. Les deux femmes se retrouvent, à l’agonie, enlacées, main dans la main, au sol, pour la conclusion de leur histoire.
Neuf ans après ses début professionnels, c’est en contemplant, assise aux côtés de sa moitié, les plumes noires de la reine Phénix tomber du ciel de Yokohama que la route de Tam prend fin, un dernier sourire aux lèvres. Une image sublime, d’une simplicité rare, qui vient mettre fin à une carrière aussi belle et puissante qu’inespérée. Une carrière scintillante à l’image des yeux du monde du catch qu’elle laisse humides. Les lumières s’estompent jusqu’à définitivement s’éteindre dans un ultime plan qui nous laisse pétris d’émotions. Tam Nakano s’en va, soulagée, en paix, et dépose le poids de l’avenir sur les épaules de celle qu’elle a adoubé ce soir.






Dimension historique, production épique et qualité générale font de ce All-Star Grand Queendom 2025 une pépite absolue. Un show mémorable, parmi les meilleurs de ces dernières années, qui positionne la Stardom non pas au sommet du catch féminin mais au sommet du catch tout court. Une soirée qui célèbre la fin d’une ère tout en posant les bases d’un avenir qui s’annonce, malgré les embûches, radieux. Après les départs de Mina Shirakawa, Thekla, Mayu Iwatani et Tam Nakano en l’espace d’un mois, une page se tourne et de nouvelles opportunités se présentent. La Stardom poursuit sa route et demeure un gage d’excellence au sein d’une industrie qu’elle participe à faire évoluer. Encore et toujours.
Texte : Le Dernier Rang
Crédits photo : Kevyn Mullen (@kevMullen23)